Le saut de l'ange
"Le sentiment que la vie vous a quitté de votre vivant est l'expression de la solitude absolue." Marc Dugain, Avenue des géants, 2012
On en demande toujours trop à la vie. Tous les jours, on lui réclame l'infini, l'inédit. On attend des petits miracles &, quand ils se produisent, on sourit, un peu béatement, on s'y attendait, au fond. Rebondir, toujours rebondir comme un chat qui virevolte, qui rugit, qui se lance dans un saut de l'ange périlleux pour retomber vaillamment sur ses pattes. On vit un peu comme on joue, on joue un peu comme on vit. On se promène sur le fil tendu de la folie ordinaire. Au loin, se reflètent les arc-en-ciel de l'espoir, en contrebas, la solitude nous assiège déjà, le gouffre n'est jamais loin. Dans quelques instants, nous nous y jetterons dans un ultime mouvement désespéré. Saut de l'ange. On ne rebondira pas, le sentiment de vie nous aura quitté pour faire place à la solitude absolue. Annihilation. Autodestruction programmée. Psychodrame enclenché. Au fond, faire la route, c'est un peu comme fuir, c'est mourir à petit feu, c'est oublier où l'on habite, où l'on a des attaches, c'est s'abstraire du monde un peu comme ces héroïnes tragiques qui, dans un mouvement de drapé, quittent la scène en jurant. Dans les coulisses, elles ôtent cette longue robe blanche, le masque tombe &, dans le miroir cerné d'ampoules, elles se regardent dans la vérité crue de la vie. Qu'ai-je fait ? La vie a déraillé, le gouffre n'est pas loin, la solitude s'étend omniprésente dans le soir qui tombe, rougeoyant de ses derniers feux. Il ne reste plus grand chose à faire quand la clarté diaphane joue les oxymores avec la nuit. Plus grand chose non, juste un dernier saut de l'ange. Mouvement ultime.
Florence