Un Jour en France...
Il est bientôt neuf heures, le soleil s’efface lentement & descend sur sa trajectoire, sur les grands boulevards. On est au mois d’avril, les hommes commandent un bock, lisent le journal du soir aux terrasses des cafés, pour l’heure illuminées. Les réverbères étendent leur clair obscur diffus, pâle ersatz du jour. On attend le vaudeville, à l'Ambigu, ce soir. Ivre de la tendresse de cette douce soirée, on devise librement, on parle politique. On oublie consciemment qu’à quelques rues de là, se dressent les barricades, les révolutions du bon peuple opprimé. L’histoire s’écrit sur le pavé, la Commune s’insurge mais personne ne voit rien, demain fuiront les trains, mais personne ne voit rien. On noie dans la bière des pensées confondantes, tous ces lieux communs que l’on débite fièrement quand on est entre soi. On se congratule, on recommande à boire. Les idées s’agglutinent au rebord du comptoir. Les pages du Moniteur s’envolent dans la nuit. Bien sûr, on a compris, tout est analysé. On ressort pour la forme une idée bien usée. La mémoire s’enfuit dans les rues de Paris. Un siècle avant, un siècle après, peu importe. Les révolutions gisent dans la bière renversée & dans ces phrases encore, toujours, ressassées. Le bruit des bottes n’a pas d’époque.
Florence