Frères Poètes...
Qui sont donc les poètes ? Voici donc la question existentielle que je me pose tôt matin après avoir lu quelques vers de Villon à la recherche de corbeaux affamés sur un vers perchés. Voici donc la question que tout le monde peut se poser de façon plus ou moins légitime et qui porte tout naturellement à une autre interrogation : quelle est la place des poètes dans notre société ? Cela pourrait prendre quelques heures d’une dissertation, exercice auquel je ne me livrerai pas en ces terres orangées. Mais, tout de même, la poésie existe depuis toujours, depuis qu’Homère nous chantait, en bon aède, sa lyre à la main, les ruses d’Ulysse, la tapisserie de Pénélope et la beauté de l’aurore aux doigts de rose qui levait le voile sur le jour hésitant. Elle a été fable, théâtre, tragédie des amours impossibles et des révoltes légitimes. Poésie à hurlé les scories de la destinée qui s’acharne dans la maison maudite des Atrides, a hululé avec les démentes pythies ou avec les Erynnies, ces oiseaux de malheur dont la littérature est pleine, sous toutes leurs formes... Médiévale, lovée dans les manteaux d’hermine, poésie a décrit l’adultère, l’amour irrépressible entre la blonde Yseult et le beau Tristan, entre la sage (?) Guenièvre et le preux Lancelot, entre deux amants cachés qui voient dans le Rossignol le symbole d’un amour brisé mais tellement fort, tellement beau, tellement universel. Poésie se fait allégorie, poésie se mêle dans la vie, poésie clignote au croisement de tous les carrefours et rime avec amour. On pourrait continuer à décliner l’histoire littéraire, à faire dérouler les clichés, les amants célèbres, on pourrait même actionner la lanterne magique du cinématographe qui donne à certains plans tant de poésie dans la justesse de la photographie, de l’émotion. Oui, on pourrait.
Mais, ce matin, je repense à Villon, au dernier message qu’il envoyait à ses “frères humains”, à la pitié qu’il leur demandait. Pitié pour les poètes, ne leur demandez pas leurs papiers, ne leur demandez pas qui ils sont & laissez-les rêver jusque dans leur dernière demeure, alors, les vers se murmureront jusqu’à nos coeurs sensibles &, ensemble, nous reprendrons leurs chansons...
Florence