Marchand de couleurs

Souvent, les mots me viennent en pâture, un peu comme de la peinture qui viendrait s’iriser dans les courbes incurvées de mes phrases étonnées. Sans trop le savoir, sans trop le vouloir, je déposerais là une touche de violet qui irriguerait l’idée que je me fais des triolets. Un petit rose nacré figurerait bien le bain de perles rares que prendrait mon esprit délictueux. L’azur, le bel azur, illuminerait les mers de désirs, aux littéraires orgies dont, jadis, j’aimais à me repaître. Le vert animerait les arbres de l’imaginaire & leur donnerait vie dans la forêt des songes. Quant au rouge, si d’aucuns l’associent à la colère, il viendrait chez moi aiguiser le piment, le pigment contenu dans les petites choses de la vie. Je n’aime pas bien le jaune, mais, pour une croûte dorée, pourquoi  ne pas craquer ? L’oranger du coucher est quant à lui le plus noble, le doux vignoble des cieux tamisés. Le brun est chocolat, dans mes gourmandises exquises, pourrait-on en douter ? Le noir de mes vêtements, des mes cuirs,  jamais ne quitte la partie. L'ivoire laiteux habite les prairies de mon enfance. Quant au gris, argenté, il irise le regard et scintille vers la voûte étoilée. Indigo, fuchsia, turquoise, mauve, carmin, tangerine, magenta, cyan, toutes les couleurs illustrent l’arc-en-ciel de la vie, l’arc-en-ciel de l’envie. 

Rimbaud, en son temps, donnait des couleurs aux voyelles. & moi, modestement, lui lançant un clin d’oeil, je détaille négligemment le spectre...