Incorrigible
J’ai chassé de l’imaginaire dragons, panthères, gorgnones & Minotaures. J’ai aussi mis de côté tous les cieux, toutes leurs belles couleurs du matin, les roses, les mauves, les orangés. J’ai bouté hors du paradis toutes les étoiles dans mes yeux, toutes ces comètes replètes au sillage laiteux. J’ai tourné le dos à la mer, à l’Océan, au ressac, laissant les sirènes barboter dans leur odieux babillage. J’ai rangé alexandrins & octosyllabes dans leur boite moite pour que plus jamais ils ne dépassent & ne trahissent ma pensée. J’ai fermé la porte au voyage en m’assurant bien que le compartiment ne recelait plus aucun présage. J’ai rendu les clefs, un peu piteuse, un peu honteuse. Puis, j’ai pris un crayon, je l’ai soigneusement taillé, j’ai commencé à écrire sur un papier : lait, huile d’olive, farine, café, levure, sacs-poubelle, sopalin, sucre en poudre, poudre d’étoiles, voie lactée, graines de rêve, fleurs mauves, parfums suaves, vin délictueux, huile licencieuse, pommes d’amour, nourriture pour panthères noires, shampooing pour les galaxies. Levant la tête, j’ai regardé ma drôle de liste de courses, examiné mes pensées à bout de course, compté les sous dans ma bourse. Résignée, j’ai pris le même chemin que les autres, dans les supermarchés du doute, où les promotions empoisonnent tout ce qui foisonne dans nos têtes. Un à un, j’ai choisi les produits, j’ai payé, je les ai rangés. Sagement, sans me révolter. A nouveau, j’ai affûté une plume, allumé une cigarette, regardé la fumée s'envoler & les alexandrins noblemment ont rejailli, retrouvant toutes leurs plumes de phénix au comptoir des rêves les plus fous.
Dans le jour qui se lève, il n’y a pas de doute
Les lueurs éternelles balisent toutes les routes
& nimbent la rosée de beaux espoirs secrets
Quand les étoiles rigolent de ces tendres apprêts...
To be continued...