Angora
A quoi pensait donc Guillaume quand il regardait la tombe de Baschung ? Il avait écrit «Angora», sur un petit caillou, l’a posé parmi les fleurs et ses pleurs se cachaient sous ses lunettes de mauvais garçon. A quoi pensait donc Lowell le jour où il a croisé le regard de Baschung ? A quoi pensent donc les poètes quand ils croisent un de leurs pairs ? Errance en terre onirique, les mots affleurent comme des chansons qui naissent, des refrains sous-entendus que, bientôt, la poésie - encore elle ! - de la guitare viendra tout à l’heure illustrer. Je ne sais plus trop qui disait que les poètes étaient immortels, que leurs écrits restent forgés dans notre coeur, fixés à notre mémoire comme des arias atemporelles, mais, parfois quand la réalité surgit cruelle et sans fard, on oublie le hasard, on se noie dans les amères ondoyantes, ces ironies que le sort ne calcule pas toujours si bien. Il est parfois de heureux hasards, il est parfois de belles rencontres mais les voiles du destin soufflent aussi cruellement sur les «gouffres amers» qu’affectionnaient peut-être Baudelaire. Guillaume regardait ce jour-là l’azur, l’éternité, pensait au «prince des nuées» et chantait dans sa tête «Angora», à n’en pas douter.
Florence