"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans"
“On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans”, nous écrivait Rimbaud un jour de 1870. On n’est pas sérieux quand on croit à l’amour &, qu’adolescent, on se love dans les illusions & dans les fragrances d’une vision fugitive. Paris, un bock, la terrasse d’un café, tout pour un beau roman de gare avec sa bonne dose de larmes aux éclats de sanglots roses. Tout. Sauf que l’auteur s’appelle Rimbaud & que son sens du verbe nous transporte dans des sphères où les poncifs volent en éclat dans un grand remue-ménage de voyelles & de vers que l’on distord. On n’est pas sérieux de relire Rimbaud le matin quand l’appel du quotidien trahit les plus folles espérances, les plus folles transes. On n’est pas sérieux quand on vit dans ses rêves & que l’on “robinsonne” encore dans les pages de ses romans fétiches que l’on relit dans le jardin des mots qui jamais ne nous quittent. Dans les yeux des adolescents que l’on croise, se reflète le sourire que l’on envoie avec quelques bribes de texte, une figure se style, une belle métaphore bien dodue, bien limée, coincée dans la torpeur d’un oxymore qui aurait bien aimé se dissimuler à l’oeil sagace de nos envies. On n’est pas sérieux quand la gourmandise prend le pas sur le sérieux qui devrait être de mise, sur les cahiers aux carreaux arrondis, sur les lettres qui filent au-delà des déliés dans l’encre mauve des sentiments non achevés. On n’est pas sérieux quand on a quarante ans & que l’on se lève pour écrire quelques mots, oubliant que, dans quelques instants, la sonnerie retentira & qu’il est grand temps d’y aller. Non, on n’est pas sérieux...